Le plan d’action de la ministre Maltais pour restructurer les régimes de retraite au Québec suscite plusieurs critiques
Après des mois d’attente, la ministre du Travail, Agnès Maltais, a présenté jeudi son plan sur les suites à donner au rapport D’Amours sur les retraites. Or, déjà, les critiques se multiplient.
La ministre appuie d’abord l’objectif central du rapport D’Amours : sauver les régimes à prestations déterminées. « En deux ans, on est capables de faire face à tous les problèmes des régimes de retraite à prestations déterminées », a-t-elle déclaré.
Ces régimes, qui sont beaucoup plus généreux que les autres, sont au nombre de 860 au Québec dans le privé et le public. Environ 1,2 million de personnes en bénéficient (retraités et travailleurs actifs). Leur déficit s’élève actuellement à 5 milliards de dollars dans le public (universités, villes) et à 26 milliards dans le secteur privé.
Pour y remédier dans le secteur public, la ministre rend obligatoire le partage des déficits futurs en parts égales entre patrons et employés, ce qui est loin d’être acquis partout. Par contre, elle ne touche pas aux déficits passés, comme le réclame le maire de Québec, Régis Labeaume.
Cette question, dit-elle, pourra être discutée dans trois nouveaux « forums » (un pour les universités, un pour les villes et un pour le privé) où patrons, employeurs et fonctionnaires devront mettre la table pour de nouvelles négociations sur les changements à apporter aux régimes.
En cas d’échec après six mois, un conciliateur entrera en scène. Or, si la conciliation échoue à son tour, c’est la Commission des relations de travail (CRT) qui tranchera.
La CRT ne fait pas l’unanimité
Le rôle confié à la CRT en a surpris plusieurs jeudi. Le maire de Montréal, Denis Coderre, croit qu’elle « n’est pas équipée en terme d’expertise sur la question des régimes de retraite » et qu’on devrait plutôt créer « un tribunal d’expertise ». À Québec, Régis Labeaume a dit que la CRT « n’avait rien à faire là-dedans ». Le chef de l’opposition, Paul Shoiry, disait exactement le contraire en vantant l’expertise de la CRT.
Fait rare, M. Labeaume était en partie d’accord sur ce point avec le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente les syndiqués cols bleus. « Le syndicat dénonce le fait qu’une tierce partie va pouvoir imposer les conditions qui vont s’appliquer », a-t-on fait valoir.
L’Union des municipalités du Québec a réservé ses commentaires pour vendredi. Son président, Éric Forest, doit rencontrer la ministre dans la journée. La Fédération québécoise des municipalités (FQM) a bien accueilli le plan, en particulier l’obligation au partage égal (50-50) des coûts des régimes futurs.
Cette dernière mesure a aussi été bien accueillie par les milieux d’affaires, dont la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et le Conseil du patronat. « Bien entendu, ce plan d’action ne pourra tout régler à lui seul », a toutefois fait valoir ce dernier, parlant d’un pas important dans la bonne direction.
Reste à savoir si les deux projets de loi assortis au plan pourront être adoptés. Le Parti libéral ne s’est pas exprimé sur le plan, mais la Coalition avenir Québec l’a fortement dénoncé. « Ça fait déjà deux ans qu’on travaille là-dessus », a critiqué le député Christian Dubé, qui s’est montré complètement exaspéré par la création des nouveaux forums.
« C’est un plan d’inaction », a-t-il dit en soulignant qu’en attendant, la facture allait être plusieurs fois transférée dans les comptes de taxes des citoyens au niveau municipal. À ce propos, le maire Denis Coderre s’est demandé si on ne créait pas ces nouveaux forums « pour gagner du temps ».
Quant au projet de « rente longévité » — un volet clé du rapport D’Amours qui pourrait toucher tous les travailleurs — son sort reste à régler au niveau fédéral. La ministre Maltais a expliqué que le ministre des Finances, Nicolas Marceau, en discutera « bientôt » avec ses homologues lors d’une rencontre avec le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Dans ce cas comme dans celui des déficits passés, la ministre Maltais se dit prête à éventuellement aller de l’avant si les comités ou forums en venaient à la conclusion qu’il faut légiférer.
Source: Le Devoir